Fenaison de montagne "Les prairies au plus haut, le centre de gravité au plus bas"
Récolter du foin dans les pentes des montagnes du Beaufortain est un exercice qui demande, parfois, d’avoir le cœur bien accroché. Il nécessite de choisir des outils adaptés et de ne pas s’aventurer au-delà de leurs limites. Mais c’est la condition pour produire des fromages de qualité et faire perdurer l'histoire pastorale locale.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Bourg-Saint-Maurice (Savoie)
Gaec de la Croix du Foussa
Inutile de demander à Marion et Patrice Crétier, les deux associés du Gaec de la Croix du Foussa, ce qu’ils utilisent comme semoirs ou outils de travail du sol ! Leur seule parcelle cultivée est le potager de leur maison familiale ! La géographie de leur cadre de vie ne se prête, en effet, aucunement aux cultures. Leur bâtiment d’élevage, perché à 1 200 m d’altitude, est en plein cœur du massif du Beaufortain, sur les flancs de montagnes dont les sommets s’élèvent entre 2 400 et 2 995 m. Il se trouve juste à deux virages en épingle à cheveux au-dessous du hameau montagnard des Échines-Dessous et s’atteint au bout d’une montée de plus de 6 km d’une route étroite en lacets surplombant Bourg-Saint-Maurice (Savoie). L’intégralité de leurs 80 ha de surface agricole utile est constituée de prairies naturelles destinées à alimenter leur troupeau de 35 vaches laitières. L’étable offre une vue imprenable sur la vallée de la Tarentaise. En face, la station des Arcs se profile et, plus loin, ce sont les neiges éternelles du mont Pourri qui émergent entre les nuages à 3 779 m. Le milieu est rude, les écarts de températures sont importants, et les terrains difficiles. Pour vivre et prospérer, les hommes et les femmes de la vallée de la Tarentaise ont appris à tirer le meilleur profit de toutes les ressources offertes par la nature.
Un Gaec comme projet de couple
C’est précisément la bonne valorisation du lait répondant au cahier des charges de l’AOP beaufort qui a permis au couple Crétier de concrétiser son projet d'installation à plein temps sur l'exploitation laitière. Pour Marion Crétier, le changement de vie était radical. Cette fille d’éleveur des Bouches-du-Rhône était jusqu’alors technicienne en machines à traire à la chambre d’agriculture de Savoie. Pour son mari, il s’agissait davantage d’une nouvelle étape dans son parcours d’agriculteur. Enfant du pays, il s’était installé à la suite de son père en 2013, en individuel. Il était alors double actif et partageait son temps avec un emploi de technicien des espaces verts au conseil général. En plus d'augmenter le troupeau d'une dizaine de vaches laitières, la constitution du Gaec leur a permis d’investir dans de nouveaux moyens mécaniques adaptés aux zones de montagne. Le couple a notamment acquis un transporteur Unitrac ainsi qu’un tracteur spécialisé à quatre roues directrices Lintrac, tous deux fabriqués par Lindner.
Une obligation de qualité
L’appellation beaufort se montre extrêmement stricte en matière d'alimentation des vaches laitières et sur les conditions d'élevage. Celles-ci appartiennent aux races locales tarine et abondance. Leur format moyen et leur génétique façonnée, dans cette région alpine, par des siècles de pastoralisme leur confèrent une production laitière de qualité et de bonnes aptitudes bouchères, mais surtout une rusticité adaptée aux conditions montagnardes. Du mois de mai jusqu’à début novembre, après une période de transition de 15 jours, les bêtes abandonnent leur étable et rejoignent leurs pâturages. Elles montent progressivement jusqu’à 1 800 m d’altitude, au fur et à mesure du développement de l’herbe. La traite est alors assurée par une unité mobile, et le lait livré aux coopératives de transformation de la vallée. La qualité est privilégiée par rapport à la quantité. Dans l’AOP beaufort, la moyenne de production du troupeau ne doit pas dépasser les 5 000 L de lait par an et par vache. La subtile alchimie des centaines de variétés de plantes peuplant les prairies alpines apporte la richesse aromatique au beaufort d’été. Après une nouvelle période de transition pendant laquelle les vaches pâturent le jour et se réfugient dans leur étable la nuit, le troupeau reprend à nouveau ses quartiers d’hiver en stabulation entravée. Si le goût du fromage élaboré en hiver est très différent de celui produit à la belle saison, ses conditions de production restent très encadrées. Les vaches doivent être nourries à partir de foins produits pour 75 % sur la zone délimitée et peuvent recevoir des compléments bien définis. Les ensilages et les enrubannages sont interdits.
Récolte du foin : huile de coude et engins très spéciaux
Marion et Patrice Crétier récoltent la plus grande partie de leur fourrage sur des parcelles de montagne en forte pente. Ils apprécient, pour cela, le centre de gravité placé très bas des engins produits par le constructeur autrichien Lindner. Ils en possèdent trois, fournis par le revendeur local Jean-Baptiste Vulien, à Mercury (Savoie). Le premier est un tracteur standard Geotrac EP 84 de 95 ch. Il trouve son utilité dans tous les travaux réalisés dans les pentes les moins contraignantes, notamment dans la cour de ferme ou en manutention avec le chargeur. Le deuxième est un Lintrac 80 de 101 ch. Cet engin à quatre roues directrices et transmission à variation continue a remplacé un porte-outil Aebi pour réaliser des chantiers de fenaison ou d’entretien de prairie. Si son architecture proche de celle d’un tracteur standard s’avère très différente de celle de l’engin suisse, Patrice Crétier s’est trouvé agréablement impressionné par sa stabilité dans les pentes.
L'agriculteur l’utilise sur les différents chantiers de fenaison et d’entretien de prairie. Le Lintrac 80 peut alors recevoir en attelage frontal une faucheuse à disques Krone de 2,73 m, un andaineur de 2,60 m ou un broyeur de refus, ou, à l’arrière, une faneuse Pöttinger à quatre toupies de 4,20 m et une herse émousseuse. Les chantiers de fauche démarrent après la traite du matin, vers 9 heures, et se terminent avant celle du soir, à 17 heures. Les foins des prairies de montagne restent légers, et l’exposition sud des versants les dessèche rapidement. Ils n’ont donc pas besoin de subir de conditionnement ni de multiples cycles de fanage et d’andainage. Toutefois, lorsque le relief dépasse les capacités des tracteurs, les agriculteurs utilisent alors un porte-outil à conducteur marchant Rapid Monta. L’engin, fabriqué en Suisse, est équipé de roues larges à pointe pour affronter des dévers allant jusqu’à 120°. Il entraîne soit une barre de coupe de 2,20 m, soit un twister, ou pick-up, soulevant le foin et le redescendant dans la pente par gravité. Quand il le faut, les éleveurs ne craignent pas de sortir râteaux et fourches pour faner à la main.
3 à 4 ha par jour
Une fois sec, le foin est récolté au moyen du transporteur Unitrac 92 P5 de 102 ch recevant une autochargeuse Gruber de 24 m3. Il s’agit du matériel le plus récemment acquis par le Gaec. Ce dernier est venu renouveler un autre transporteur Lindner, présent dans l’exploitation depuis 2004. Cet engin très polyvalent est affecté à toutes les tâches de transport. Avec son architecture de petit camion, son centre de gravité bas et ses quatre roues motrices et directrices, il peut s’aventurer partout. En plus de récolter du fourrage, il peut s'utiliser avec une tribenne ou une cuve d’épandage de lisier Schallberger de 3 500 L.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :